Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/205

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sonne en logicien, et ne dis pas que mes théories sont affreuses. Tu aimes et tu dois aimer, le reste est le fait de la chance. Je ne connais pas de femme, pourvu que je la suppose digne de toi, qui ne soit en droit de te dire : Le véritable et l’unique objet de vos sentiments, c’est moi !

— Ainsi, m’écriai-je, il faudrait ne plus aimer ?

— Au contraire, mais une autre.

— Ainsi il faudrait l’oublier ?

— Non, mais la remplacer.

— Jamais ! lui dis-je.

— Ne dis pas : Jamais ; dis : Pas maintenant. »

Et là-dessus Olivier sortit.

J’avais les yeux secs, mais une atroce douleur me tenaillait le cœur. Je relus la lettre de Madeleine ; il s’en exhalait cette vague tiédeur des amitiés vulgaires, désespérante à sentir quand on voudrait plus. « Il a raison, cent fois raison, » pensais-je en me répétant comme un arrêt sans appel l’agaçante argumentation d’Olivier. Et tout en repoussant ses conclusions de toute l’horreur d’un cœur passionnément épris, je me disais cette vérité irréfutable : « Je ne suis rien à Madeleine, rien qu’un obstacle, une menace, un être inutile ou dangereux ! »

Je regardai ma table vide. Un monceau de cen-