Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/206

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dres noires encombrait le foyer. Cette destruction d’une autre partie de moi-même, cette ruine totale et de mes efforts et de mon bonheur m’abattit enfin sous la sensation sans pareille d’un néant complet.

« À quoi donc suis-je bon ? » m’écriai-je.

Et le visage caché dans mes mains, je restai là, les yeux dans le vide, ayant devant moi toute ma vie immense, douteuse et sans fond comme un précipice.

Au bout d’une heure, Olivier me retrouva dans le même état, c’est-à-dire inerte, immobile et consterné. Très-amicalement il me posa la main sur l’épaule et me dit :

« Veux-tu m’accompagner ce soir au théâtre ?

— Y vas-tu seul ? » lui demandai-je.

Il sourit et me répondit :

« Non.

— Alors tu n’as pas besoin de moi, lui dis-je, et je lui tournai le dos.

— Soit ! » dit-il avec un accent d’impatience.

Puis se ravisant tout à coup :

« Tu es stupide, injuste et insolent, reprit-il en se posant carrément devant moi. Que crois-tu donc ? que je veux te surprendre ? Joli métier que tu m’attribues ! Non, mon cher, je ne préparerai ja-