Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/218

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émouvoir personne à ce point. Depuis, j’ai bien pensé qu’il n’y avait rien de commun entre Annibal et votre émotion ; en sorte qu’à la première ouverture de vos lettres, je me suis dit : Je le savais ; et, à la première vue de Mme de Nièvres, j’ai compris qu’il s’agissait d’elle. »

Quant à ma conduite, il la jugeait difficile, mais non pas impossible à diriger. Avec des points de vue très différents de ceux d’Olivier, il me conseillait aussi de me guérir, mais par des moyens qui lui semblaient les seuls dignes de moi.

Nous nous séparâmes après de longs circuits sur les quais de la Seine. Le soir venait. Je me retrouvai seul au milieu de Paris à une heure inaccoutumée, sans but, n’ayant plus d’habitudes, plus de liens, plus de devoirs, et me disant avec anxiété : « Que vais-je faire ce soir ? que ferai-je demain ? » J’oubliais absolument que depuis des mois, pendant un long hiver, les trois quarts du temps je n’avais pas eu de compagnon. Il me sembla que, celui qui agissait en moi m’ayant quitté, il ne me restait plus d’auxiliaire aujourd’hui pour se charger d’une vie qui désormais allait m’accabler de son vide et de son désœuvrement. L’idée de rentrer chez moi ne me vint même pas,