Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/220

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tueuse envie de me soustraire quand même à la persécution de ce souvenir unique. Je l’avilissais à plaisir et le déshonorais, espérant par là le rendre indigne d’elle et m’en débarrasser par des salissures. À la sortie du théâtre et comme je traversais le péristyle, une voix que j’entendis dans la foule me fit reconnaître Olivier. Il passa tout près de moi sans me voir. Je pus à peine apercevoir la personne élégante et de grande allure qu’il accompagnait. Nous rentrâmes pour ainsi dire ensemble, et j’étais encore en tenue de sortie quand il parut au seuil de ma chambre.

« D’où viens-tu ? me dit-il.

— Du théâtre. »

Je lui nommai lequel.

« M’as-tu cherché ?

— Je n’y suis point allé pour te chercher, lui dis-je, mais pour te voir.

— Je ne te comprends pas, me dit-il ; dans tous les cas, ce sont des enfantillages ou des taquineries qu’un autre que moi ne te pardonnerait pas ; mais tu es malade, et je te plains. »

Je ne le vis plus pendant deux ou trois jours. Il eut la sévérité de me tenir rigueur. Il s’informa de moi près de mon domestique, et je sus qu’il se préoccupait de mon état et me surveillait sans en