Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir l’air. Chaque journée d’inaction m’épuisait et me démoralisait davantage. Je ne prenais aucun parti décisif, mais il me semblait que ma faiblesse allait s’abattre devant le premier accident qui la ferait broncher.

Très-peu de jours après, dans une avenue du bois où je me promenais seul en désespéré, je vis venir une voiture légère menée doucement et parfaitement attelée. Elle contenait trois personnes : deux jeunes femmes en compagnie d’Olivier. Olivier me découvrit à l’instant même où je le reconnus. Il fit arrêter, sauta lestement dans l’allée, me prit par le bras, et, sans dire un mot, me poussa dans la voiture ; puis, après s’être assis à côté de moi, comme s’il se fût agi d’un enlèvement, il dit au cocher : « Continuez. » Je me sentis perdu, et je l’étais en effet, au moins pour quelque temps.

Des deux mois que dura cet inutile égarement, car il dura deux mois tout au plus, je vous dirai seulement l’incident facile à prévoir qui le termina. D’abord j’avais cru oublier Madeleine, parce que, chaque fois que son souvenir me revenait, je lui disais : « Va-t’en ! » comme on dérobe à des yeux respectés la vue de certains tableaux blessants ou honteux. Je ne prononçai pas une seule fois son