Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/230

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Je me souviens qu’un jour Madeleine et M. de Nièvres voulurent monter au sommet du phare. Il faisait du vent. Le bruit de l’air, que l’on n’entendait point en bas, grandissait à mesure que nous nous élevions, grondait comme un tonnerre dans l’escalier en spirale, et faisait frémir au-dessus de nous les parois de cristal de la lanterne. Quand nous débouchâmes à cent pieds du sol, ce fut comme un ouragan qui nous fouetta le visage, et de tout l’horizon s’éleva je ne sais quel murmure irrité dont rien ne peut donner l’idée quand on n’a pas écouté la mer de très-haut. Le ciel était couvert. La marée basse laissait apercevoir entre la lisière écumeuse des flots et le dernier échelon de la falaise le morne lit de l’Océan pavé de roches et tapissé de végétations noirâtres. Des flaques d’eau miroitaient au loin parmi les varechs, et deux ou trois chercheurs de crabes, si petits qu’on les aurait pris pour des oiseaux pêcheurs, se promenaient au bord des vases, imperceptibles dans la prodigieuse étendue des lagunes. Au delà commençait la grande mer, frémissante et grise, dont l’extrémité se perdait dans les brumes. Il fallait y regarder attentivement pour comprendre où se terminait la mer, où le ciel commençait, tant la limite était douteuse, tant l’un et l’autre