Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/229

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Des navires passaient tout empourprés des lueurs du soir. Des feux s’allumaient à fleur d’eau : soit la vive étincelle des phares, soit le fanal rougeâtre des bateaux mouillés en rade, ou le feu résineux des canots de pêche. Et le vaste mouvement des eaux, qui continuait à travers la nuit et ne se révélait plus que par ses rumeurs, nous plongeait dans un silence où chacun de nous pouvait recueillir un nombre incalculable de rêveries.

À l’extrémité du pays, sur une sorte de presqu’île caillouteuse battue de trois côtés par les lames, il y avait un phare, aujourd’hui détruit, entouré d’un très-petit jardin, avec des haies de tamarix plantés si près du bord qu’ils étaient noyés d’écume à chaque marée un peu forte. C’était assez ordinairement le lieu choisi pour les rendez-vous de chasse dont je vous parle. L’endroit était particulièrement désert, la falaise y était plus haute, la mer plus vaste et plus conforme à l’idée qu’on se fait de ce bleu désert sans limites et de cette solitude agitée. L’horizon circulaire qu’on embrassait de ce point culminant du rivage, même sans quitter le pied de la tour, offrait une surprise grandiose dans un pays si pauvrement dessiné qu’il n’a presque jamais ni contours ni perspectives.