Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/253

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sous la pluie, les pieds dans la mer. Était-ce seulement un changement de costume ? était-ce plutôt un changement d’esprit ? Il avait repris cette allure un peu compassée, surtout ce ton supérieur, qui m’avaient si fortement frappé le soir où, pour la première fois, dans le salon d’Orsel, je le surpris faisant solennellement sa cour à Madeleine. Je crus sentir en lui des froideurs de coup d’œil que je ne connaissais pas, et je ne sais quelle assurance orgueilleuse dans sa situation de mari qui m’apprenait encore une fois que Madeleine était sa femme et que je n’étais rien. Que ce fût ou non l’ingénieuse erreur d’un cœur malade, il y eut un moment où cette dernière leçon me parut si claire que je n’en doutai plus. Nos adieux furent brefs. Nous sortîmes. Nous nous jetâmes dans une voiture. J’eus l’air de dormir ; Olivier m’imita. Je récapitulai tout ce qui s’était passé dans cette soirée, qui, je ne sais pourquoi, me paraissait contenir le germe de beaucoup d’orages ; puis je pensai à M. de Nièvres, à qui je croyais avoir pour toujours pardonné, et je m’aperçus nettement que je le détestais.

Je fus plusieurs jours, une semaine au moins, sans donner signe de vie à Madeleine. Je profitai d’une circonstance où je la savais absente pour