Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/254

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déposer ma carte chez elle. Cette dette de politesse réglée, je me crus quitte envers M. de Nièvres. Quant à Mme de Nièvres, je lui en voulais : de quoi ? je ne me l’avouai pas ; mais ce cruel dépit me donna momentanément la force de l’éviter.

À partir de ce jour, le mouvement de Paris nous saisit, et nous fûmes entraînés dans ce tourbillon où les plus fortes têtes risquent de s’étourdir, où les cœurs les plus robustes ont mille chances pour une de faire naufrage. Je ne savais presque rien du monde, et, après l’avoir fui pendant une année, je m’y trouvais introduit tout à coup dans le salon de Mme de Nièvres, c’est-à-dire avec toutes les raisons possible de le subir. J’avais beau lui répéter que je n’étais pas fait pour une pareille vie. Elle n’aurait eu qu’une chose à me répondre : « Allez-vous-en ; » mais c’était un conseil qui peut-être lui aurait coûté, et que dans tous les cas je n’aurais pas suivi. Elle entendait me présenter dans la plupart des salons où elle allait. Elle souhaitait que je fusse aussi exact dans ces devoirs tout artificiels qu’on était en droit de l’exiger, disait-elle, d’un homme bien né, produit sous son patronage. Souvent elle exprimait seulement un désir poli dont mon imagination, habile à tout transformer, me faisait des ordres.