Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/266

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province, où les stimulants et les remords de Paris ne m’atteindront pas. J’y vivrai de l’admiration du génie ou du talent des autres, ce qui suffit amplement pour occuper les loisirs d’un homme modeste qui n’est pas un sot.

— Ce que vous dites là est insoutenable, reprit-elle avec beaucoup de vivacité ; vous prenez plaisir à tourmenter ceux qui vous estiment. Vous mentez.

— Rien n’est plus vrai, je vous le jure. Je vous ai dit autrefois, il n’y a pas longtemps, que je me sentais des velléités non pas d’être quelqu’un, ce qui est, selon moi, un non-sens, mais de produire, ce qui me paraît être la seule excuse de notre pauvre vie. Je vous l’ai dit, et je l’essayerai : ce ne sera pas, entendez-le bien, pour en faire profiter ni ma dignité d’homme, ni mon plaisir, ni ma vanité, ni les autres, ni moi-même, mais pour expulser de mon cerveau quelque chose qui me gêne. »

Elle sourit à cette bizarre et vulgaire explication d’un phénomène assez noble.

« Quel homme singulier vous faites avec vos paradoxes ! Vous analysez tout au point de changer le sens des phrases et la valeur des idées. J’aimais à croire que vous étiez un esprit mieux