Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/286

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qui feci, — c’est moi, moi seule qui en suis cause, — revenait sous toutes les formes dans des paroxysmes de générosité qui m’accablaient de honte et de bonheur.

Elle arriva ainsi jusqu’au point le plus escarpé d’une tentative où jamais femme héroïque ait pu parvenir sans se précipiter. Elle s’y maintint encore quelque temps intrépidement et sans trop de défaillance, comme un être, en possession de secours surnaturels, que le vertige a privé de sens et que l’excès du danger retient au bord de l’abîme, en paralysant tout à coup sa raison. À ce moment, je vis qu’elle était à bout de force. Cette miraculeuse organisation se détendit d’elle-même. Elle ne se plaignit pas, n’avoua rien qui pût trahir sa faiblesse. Se reconnaître impuissante et découragée, c’était tout remettre aux mains du hasard ; et le hasard lui faisait peur comme de tous les auxiliaires le plus incertain, le plus perfide et peut-être le plus menaçant. Se dire épuisée, c’était m’ouvrir son cœur à deux mains et me montrer le mal incurable que j’y avais fait. Elle ne jeta pas un cri de détresse. Elle tomba pour ainsi dire de lassitude ; ce fut le seul signe auquel je reconnus qu’elle n’en pouvait plus.

Un jour je lui dis :