Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/296

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convoitise. Il commença même en termes si vagues que je ne compris pas d’abord quelle était exactement la nature de ces liens qui le rendaient à la fois si précis dans ses espérances et si maritalement heureux.

« Je suis seul, me disait-il, seul au monde, de toute une famille que la misère, le malheur, des morts prématurées, ont dispersée ou détruite. Il ne me reste que des parents éloignés qui n’habitent pas la France et qui sont Dieu sait où. Votre Olivier, dans une situation semblable, attendrait un jour un héritage ; il l’escompterait d’avance sur la garantie de sa bonne étoile, et l’héritage arriverait à l’heure fixe. Moi, je n’attends rien, et je fais sagement. Bref, je n’avais besoin de personne pour un consentement qui aurait soulevé peut-être quelques difficultés. J’ai réfléchi, j’ai calculé les chances, les charges, j’ai bien pesé toutes les responsabilités, j’ai prévu les inconvénients, et toute chose en a, même le bonheur ; je me suis tâté le pouls pour savoir si ma bonne santé, si mon courage suffiraient aussi bien à deux, un jour à trois, peut-être à plusieurs ; je n’ai pas cru payer trop cher, au prix de quelques efforts de plus, la tranquillité, la joie, la plénitude de mon avenir, et je me suis décidé.