Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’œil au bûcher : la provision de bois coupé était épuisée. « Je vous demande un quart d’heure, » me dit-il. Il ôta sa redingote, prit une scie et se mit à l’ouvrage. Je lui proposai de l’aider ; il accepta l’aide que je lui offrais, et me dit simplement : « Volontiers, mon cher ami, à nous deux nous irons plus vite. » Je mis mon amour-propre à ce travail, dans lequel j’étais fort maladroit. Au bout de cinq minutes, j’étais exténué, mais il n’en parut rien, et je donnais le dernier coup de scie quand Augustin lui-même s’arrêta. J’ai accompli de plus grands devoirs dans ma vie, je n’en connais pas qui m’aient fait éprouver plus de vrai plaisir. Ce petit effort musculaire m’apprit ce que peut la conscience, exercée dans l’ordre des actes moraux, en se roidissant.

Dans la soirée, il se fit une embellie qui nous permit de sortir. Un sentier glissant, percé dans le taillis, conduisait jusqu’à de grands bois qui couronnaient une partie de l’horizon de leurs sombres couleurs d’hiver. À l’opposé, et dans des brumes grisâtres, on apercevait la masse immense, compacte, étendue en cercle entre des collines, de la ville entassée et fumeuse, agrandie encore d’une partie de ses faubourgs. Sur toutes les routes qui sillonnaient le pays et se dirigeaient vers ce grand