Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/309

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Depuis lors, soit à Nièvres, soit à Paris, elle avait renouvelé la même insinuation sans que ni Julie ni moi nous eussions l’air de l’accueillir. Un jour entre autres et devant son père, qui souriait doucement de ces ingénieux enfantillages, elle prit le bras de sa sœur, le passa au mien, et nous considéra ainsi avec l’expression d’une joie véritable. Elle nous maintint devant elle dans cette attitude qui m’embarrassait extrêmement, et qui ne paraissait pas non plus du goût de Julie ; puis, sans deviner qu’il y eût entre sa sœur et moi plus d’un obstacle déjà formé qui déjouait ses projets d’union, elle prit Julie dans ses bras, comme aurait fait une mère, l’embrassa tendrement, longuement, et lui dit : « Ne nous quittons pas, ma chère petite sœur ; puissions-nous ne jamais nous quitter ! »

Depuis, et cela datait du jour où l’attention de Madeleine avait pu s’éveiller sur le véritable état de mes sentiments, pas un mot n’avait été dit sur ce sujet, et jamais le plus léger signe ne m’avait appris que Madeleine y pensait encore. Au contraire, si le hasard faisait naître l’idée d’un projet qui sans contredit l’avait autrefois occupée, elle semblait l’avoir entièrement oublié ou ne l’avoir jamais eu. Quelquefois seulement, elle regardait Julie d’un air plus tendre et plus attristé. J’en