Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/319

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deux doigts d’une faute et de l’éviter. Veux-tu que je dise tout ? Madeleine un jour tombera dans tes bras en te demandant grâce ; tu auras la joie sans pareille de voir une sainte créature s’évanouir de lassitude à tes pieds ; tu l’épargneras, j’en suis sûr, et tu t’en iras, la mort dans l’âme, pleurer sa perte pendant des années.

— Olivier, lui dis-je, Olivier, tais-toi par respect pour Madeleine, si ce n’est par pitié pour moi.

— J’ai fini, me dit-il sans aucune émotion ; ce que je te dis n’est point un reproche, ni une menace, ni une prophétie, car il dépend de toi de me donner tort. Je veux seulement te montrer en quoi nous différons et te convaincre que la raison n’est d’aucun côté. J’aime à voir très-clair dans ma vie : j’ai toujours su, dans des circonstances pareilles, et ce qu’on risquait et ce que je risquais moi-même. De part et d’autre heureusement, on ne risquait rien de très-précieux. J’aime les choses qui se décident promptement et se dénouent de même. Le bonheur, le vrai bonheur, est un mot de légende. Le paradis de ce monde s’est refermé sur les pas de nos premiers parents ; voilà quarante-cinq mille ans qu’on se contente ici-bas de demi-perfections, de demi-bonheurs et de demi-moyens. Je suis dans la vérité des appétits et des