Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/338

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nécessaire, en quelque sorte l’avènement au titre d’homme utile, pour tout homme de génie, de talent, ou seulement d’esprit. Je m’épris de cette idée de devenir utile après avoir été si longtemps nuisible. Et quant à l’ambition d’être illustre, elle me vint aussi par moments, mais Dieu sait pour qui ! — Je fis d’abord une sorte de stage dans l’antichambre même des affaires publiques, je veux dire au milieu d’un petit parlement composé de jeunes volontés ambitieuses, de très-jeunes dévouements tout prêts à s’offrir, où se reproduisait en diminutif une partie des débats qui agitaient alors l’Europe. J’y eus des succès, je puis le dire sans orgueil aujourd’hui que notre parlement lui-même est oublié. J’y trouvais à déployer l’activité dévorante qui me consumait. Je ne sais quel insurmontable espoir me restait de retrouver Madeleine. Ne m’avait-elle pas dit : « Adieu ou au revoir ? » J’entendais qu’elle me revît meilleur, transformé, avec un lustre de plus pour ennoblir ma passion. Tout se mêlait ainsi dans les stimulants qui m’aiguillonnaient. Le souvenir acharné de Madeleine bourdonnait au fond de mes soi-disant ambitions et il y avait des moments où je ne savais plus distinguer, dans mes rêves anticipés de gouverne-