Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/351

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« Vous voilà un homme, continua-t-il, et déjà célèbre. Nous avons suivi tout cela avec le plus sincère intérêt. »

Il marchait de long en large, me parlant ainsi, sans suite et de la façon la plus décousue. Ses cheveux étaient entièrement blancs ; sa grande taille un peu voûtée lui donnait un air singulièrement noble de vieillesse anticipée ou de lassitude.

Madeleine vint nous interrompre au bout de cinq minutes. Elle était habillée de couleurs sombres et ressemblait, avec la vie de plus, au portrait qui m’avait tant ému. Je me levai, j’allai à sa rencontre ; je balbutiai deux ou trois phrases incohérentes qui n’avaient aucun sens ; je ne savais plus ni comment expliquer ma venue, ni comment combler tout à coup ce vide énorme de deux années qui mettait entre nous comme un abîme de secrets, de réticences et d’obscurités. Je me remis pourtant en la voyant beaucoup plus sûre d’elle-même, et je lui parlai aussi posément que possible de l’alerte qui m’avait été donnée par Olivier. Quand je prononçai ce nom, elle m’interrompit :

« Viendra-t-il ? me dit-elle.

— Je ne crois pas, répondis-je, du moins de quelques jours. »

Elle fit un geste de découragement absolu, et