Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/352

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nous retombâmes tous les trois dans le plus pénible silence.

Je demandai où était M. de Nièvres, comme s’il était possible d’admettre qu’Olivier ne m’eût pas informé de son voyage, et je parus étonné de le savoir absent.

« Oh ! nous sommes dans un grand abandon, reprit Madeleine. Tous malades ou à peu près. Il y a dans l’air de mauvaises influences ; la saison est malsaine et n’est pas gaie, » ajouta-t-elle en jetant les yeux sur les hautes fenêtres à fermeture ancienne, dont le jour aux trois quarts éteint bleuissait encore imperceptiblement les vitres.

Elle se mit alors, sans doute pour échapper à l’embarras d’une conversation impossible, à parler des misères des gens qui l’entouraient, de l’hiver qui s’annonçait par des maladies chez les uns, chez les autres par des détresses ; d’un enfant qui se mourait dans le village, que Julie avait assisté, soigné jusqu’au jour où, grièvement atteinte elle-même, elle avait dû remettre à d’autres son rôle, malheureusement impuissant contre la mort, de sœur de Charité. Madeleine semblait se complaire dans ces récits pitoyables, et énumérer avec je ne sais quelle sombre avidité toutes ces calamités voisines qui formaient autour de sa vie un