Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/357

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dit extraordinaire et positivement folle d’imprévoyance, d’exaltation et de hardiesse. Je reconnus ce regard foudroyant d’éclat qui m’avait appris le soir du théâtre que nous étions en péril, et portant toutes choses à outrance, morceau par morceau, elle me jeta pour ainsi dire son cœur à la tête, comme elle avait fait ce soir-là de son bouquet.

Nous passâmes ainsi trois jours en promenades, en courses téméraires, soit au château, soit dans les futaies, trois jours inouïs de bonheur, si le sentiment de je ne sais quelle enragée destruction de son repos peut s’appeler du bonheur, sorte de lune de miel effrontée et désespérée, sans exemple ni pour les émotions ni pour les repentirs, et qui ne ressemble à rien, sinon à ces heures de copieuses et funèbres satisfactions pendant lesquelles on permet tout aux gens condamnés à mourir le lendemain.

Le troisième jour, elle exigea, malgré mes refus, que je montasse un des chevaux de son mari.

« Vous m’accompagnerez, me dit-elle ; j’ai besoin d’aller vite et de me promener très loin. »

Elle courut s’habiller, fit seller un cheval que M. de Nièvres avait dressé pour elle, et, comme