Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/364

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cîments qui voulaient être dits de sang-froid ; après quoi, ne sachant plus comment occuper ma journée et ne tenant pour ainsi dire en aucune manière à l’emploi d’une vie que je sentais se détacher de moi minute par minute, j’allai m’accouder sur la balustrade qui dominait les fossés de ceinture, et j’y restai je ne sais combien de temps dans des distractions de pur idiotisme. Je ne savais plus où était Madeleine. De temps en temps, je croyais entendre sa voix dans les corridors ou la voir passer d’une cour à l’autre allant et venant, se déplaçant, elle aussi, sans autre but que de s’agiter.

Il y avait au tournant des douves, à la base d’une des tourelles, une sorte de cellule à moitié bouchée, qui servait autrefois de porte dérobée. Le pont qui la reliait aux allées du parc était détruit. Il n’en restait que trois piles en partie submergées, et que l’eau marécageuse du fossé salissait incessamment de lies écumeuses. Je ne sais quelle envie me prit de me cacher là pour le reste du jour. Je passai d’un pilier sur l’autre, et je me tapis dans cette chambre en ruine, les pieds touchant au courant, dans le demi-jour lugubre de ce vaste et profond fossé où coulaient des eaux de lavoir. Deux ou trois fois, je vis Madeleine passer de l’autre côté des douves, et regarder vers les