Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/46

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tes, inutiles, oubliées, venant tous les jours pour ainsi dire à la même heure se poser indiscrètement devant lui, tout cela le gênait évidemment comme une importunité réelle dans ses promenades. Aussi, quoique excellent pour tous ceux qui l’aimaient, et le vieux berger l’aimait beaucoup, Dominique le traitait un peu comme un vieux corbeau bavard. « C’est bon, c’est bon, père Jacques lui disait-il, à demain, » et il tâchait de passer outre ; mais l’obstination stupide du père Jacques était telle, qu’il fallait, coûte que coûte, prendre son mal en patience et laisser souffler les chevaux pendant que le vieux berger causait.

Un jour, Jacques avait, comme de coutume, enjambé le talus de la falaise du plus loin qu’il nous avait aperçus, et, planté comme une borne sur l’étroit sentier, il nous avait arrêtés court. Il était plus que jamais en humeur de parler du temps qui n’est plus, de rappeler des dates : la saveur du passé lui montait ce jour-là au cerveau comme une ivresse.

« Salut bien, monsieur Dominique, salut bien, messieurs, nous dit-il en nous montrant toutes les rides de son visage dévasté épanouies par la satisfaction de vivre. Voilà du beau temps, comme