Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/54

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nourri de sa propre substance, ce nom qui se double d’un autre nom et des vers qui s’échappent comme une fleur de printemps fleurit, des élans forcenés vers les hauts sommets de l’idéal, enfin la paix qui se fait dans ce cœur orageux, ambitieux peut-être, et certainement martyrisé de chimères ; voilà, si je ne me trompe, ce qu’on pouvait lire dans ce registre muet, plus significatif dans sa mnémotechnie confuse que beaucoup de mémoires écrits. L’âme de trente années d’existence palpitait encore émue dans cette chambre étroite, et quand Dominique était là, devant moi, penché vers la fenêtre, un peu distrait et peut-être encore poursuivi par un certain écho de rumeurs anciennes, c’était une question de savoir s’il venait là pour évoquer ce qu’il appelait l’ombre de lui-même ou pour l’oublier.

Un jour il prit un paquet de plusieurs volumes déposés dans un coin obscur de sa bibliothèque ; il me fit asseoir, ouvrit un des volumes, et sans autre préambule se mit à lire à demi-voix. C’étaient des vers sur des sujets trop épuisés depuis longues années, de vie champêtre, de sentiments blessés ou de passions tristes. Les vers étaient bons, d’un mécanisme ingénieux, libre, imprévu, mais peu lyriques en somme, quoique les inten-