Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/72

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de routine, cette quantité de petits faits qui sont la science et le charme de la vie de campagne. J’avais, pour profiter d’un pareil enseignement, toutes les aptitudes désirables : une santé robuste, des yeux de paysan, c’est-à-dire des yeux parfaits, une oreille exercée de bonne heure aux moindres bruits, des jambes infatigables, avec cela l’amour des choses qui se passent en plein air, le souci de ce qu’on observe, de ce qu’on voit, de ce qu’on écoute, peu de goût pour les histoires qu’on lit, la plus grande curiosité pour celles qui se racontent ; le merveilleux des livres m’intéressait moins que celui des légendes, et je mettais les superstitions locales bien au-dessus des contes de fées.

À dix ans, je ressemblais à tous les enfants de Villeneuve : j’en savais autant qu’eux, j’en savais un peu moins que leurs pères ; mais il y avait entre eux et moi une différence, imperceptible alors, et qui se détermina tout à coup : c’est que déjà je tirais de l’existence et des faits qui nous étaient communs, des sensations qui toutes paraissaient leur être étrangères. Ainsi, il est bien évident pour moi, lorsque je m’en souviens, que le plaisir de faire des pièges, de les tendre le long des buissons, de guetter l’oiseau, n’étaient pas ce qui me captivait le plus dans la chasse ; et la