Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/78

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Il y avait de l’ordre et du désordre, des allées sablées faisant suite à des perrons, menant à des grilles, et qui flattaient un certain goût que j’ai toujours eu pour les lieux où l’on se promène avec quelque apparat, où les femmes d’une autre époque auraient pu déployer des robes de cérémonie. Puis des coins obscurs, des carrefours humides où le soleil n’arrivait qu’à peine, où toute l’année des mousses verdâtres dans une terre spongieuse, des retraites visitées de moi seul, avaient des airs de vétusté, d’abandon, et sous une autre forme me rappelaient le passé, impression qui dès lors ne me déplaisait pas. Je m’asseyais, je m’en souviens, sur de hauts buis taillés en banquettes qui garnissaient le bord des allées. Je m’informais de leur âge, ils étaient horriblement vieux, et j’examinais avec des curiosités particulières ces petits arbustes, aussi âgés, me disait André, que les plus vieilles pierres de la maison, que mon père n’avait pas vu planter, ni mon grand-père, ni le père de celui-ci. Puis le soir il arrivait une heure où tout ébat cessait. Je me retirais au sommet du perron, et de là je regardais au fond du jardin, à l’angle du parc, les amandiers, les premiers arbres dont le vent de septembre enlevât les feuilles, et qui formaient