Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/83

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couvraient la campagne d’un deuil plus sombre que les frimas.

Les arbres entièrement dépouillés, j’embrassais mieux l’étendue du parc. Rien ne le grandissait comme un léger brouillard d’hiver qui en bleuissait les profondeurs et trompait sur les vraies distances. Plus de bruit, ou fort peu ; mais chaque note plus distincte. Une sonorité extrême dans l’air, surtout le soir et la nuit. Le chant d’un roitelet de muraille se prolongeait à l’infini dans des allées muettes et vides, sans obstacles au son, imbibées d’air humide et pénétrées de silence. Le recueillement qui descendait alors sur les Trembles était inexprimable ; pendant quatre mois d’hiver, j’amassais dans ce lieu où je vous parle, je condensais, je concentrais, je forçais à ne plus jamais s’échapper ce monde ailé, subtil, de visions et d’odeurs, de bruit et d’images qui m’avait fait vivre pendant les huit autres mois de l’année d’une vie si active et qui ressemblait si bien à des rêves.

Augustin s’emparait de moi. La saison lui venait en aide, je lui appartenais alors presque sans partage, et j’expiais de mon mieux ce long oubli de tant de jours sans emploi. Étaient-ils sans profit ?