Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/99

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« Il a raison, pensai-je, je suis d’une demi-minute en retard, » et j’entrai.

Le professeur monta dans sa chaire et se mit à dicter. C’était une composition de début. Pour la première fois mon amour-propre avait à lutter contre des ambitions rivales. J’examinai mes nouveaux camarades, et me sentis parfaitement seul. La classe était sombre ; il pleuvait. À travers la fenêtre à petits carreaux, je voyais des arbres agités par le vent et dont les rameaux trop à l’étroit se frottaient contre les murs noirâtres du préau. Ce bruit familier du vent pluvieux dans les arbres se répandait comme un murmure intermittent au milieu du silence des cours. Je l’écoutais sans trop d’amertume dans une sorte de tristesse frissonnante et recueillie dont la douceur par moments devenait extrême.

« Vous ne travaillez donc pas ? me dit tout à coup le professeur. Cela vous regarde… »

Puis il s’occupa d’autre chose. Je n’entendis plus que les plumes courant sur des papiers.

Un peu plus tard, l’élève auprès de qui j’étais placé me glissait adroitement un billet. Ce billet contenait une phrase extraite de la dictée, avec ces mots :

« Aidez-moi, si vous le pouvez ; tâchez de m’épargner un contre-sens. »