Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/184

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n’estre pas accompagnée d’esprit. Il se mit à luy dire plusieurs fleurettes ; mais elle sousrioit à toutes, et ne répondit à pas une, si ce n’est quand il luy dit, avec un grand serment, qu’il estoit son serviteur, et qu’il la prioit de le croire.

Elle luy répondit aussi-tost naïfvement : Ha ! Monsieur, ne me dites point cela, je vous prie ; il n’y a encore que deux personnes qui m’ont dit qu’ils sont mes serviteurs, qui me déplaisent fort, et que je hay mortellement ; vous avez trop bonne mine pour faire comme eux. Comment ! Mademoiselle (repliqua-t’il), c’est peut-estre que vous avez eu quelques amans qui ont manqué de respect pour vous, et qui vous ont fait quelque déclaration d’amour trop hardie. Point du tout, Monsieur (reprit Javotte), ils ne l’ont dit qu’à mon papa et à maman, et chacun de son costé m’asseure que je luy suis promise en mariage ; mais je ne sçais ce qu’ils m’ont fait, je ne les sçaurois souffrir.

Si vous avez eu jusqu’à present des serviteurs si desagreables (dit le gentilhomme), ce n’est pas à dire que tous les autres leur ressemblent ; au contraire, puisque ceux-là ne vous sont pas propres, il en faut chercher de plus accomplis. Je ne veux point de serviteurs (dit Javotte) ; aussi bien, quand j’en aurois, je ne sçaurois que leur dire ny qu’en faire. Quoy ! (reprit Pancrace) est-ce qu’on ne pourroit pas trouver quelque occasion de vous rendre service ? Non (luy dit Javotte) ; pourtant vous me feriez bien un plaisir si vous vouliez ; mais je n’oserois vous le demander, car vous ne le voudriez peut-estre pas. Comment ! Mademoiselle (reprit-il en eslevant un peu sa voix), y a-t’il au monde quelque chose assez difficile dont je ne voulusse pas venir à