Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/40

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de leur vie ils ont une humeur rustique et bourrue qui est à charge à leur famille et odieuse à tous ceux qui les frequentent. Nôtre demy courtisan auroit bien voulu faire l’amour dans les formes ; il n’auroit pas voulu oublier une des manieres qu’il avoit trouvées dans ses livres, car il avoit fait son cours exprès dans Cyrus et dans Clelie. Il auroit volontiers envoyé des poulets, donné des cadeaux et fait des vers, qui pis est ; mais le moyen de joüer une belle partie de paume avec une personne qui met à tous les coups sous la corde ?

Il n’eust pas si-tost remené sa maistresse jusqu’à sa porte, qu’avec une profonde reverence elle le quitta, luy disant qu’il falloit qu’elle allast songer aux affaires du ménage, et qu’aussi bien sa maman lui crieroit si elle la voyoit causer avec des garçons. Il fut donc obligé de prendre congé d’elle, en resolution de la venir bien-tost revoir. Mais la difficulté estoit d’avoir entrée dans la maison, car personne n’y estoit receu s’il n’y avoit bien à faire, encore n’entroit-on que dans l’étude du procureur ; car si quelqu’un fust venu pour rendre visite à Javotte, la mere seroit venue sur la porte luy demander : Qu’est-ce que vous avez à dire à ma fille ? La necessité obligea donc Nicodeme de chercher à faire connoissance avec Vollichon5 (le pere de Javotte s’appel-


5. Ici Furetière n’a pas, en apparence au moins, autant de franchise que Despréaux. Dans sa 1re satire, celui-ci avoit dit :

Je ne puis rien nommer, si ce n’est par son nom ;
J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.

Or, c’est ce même Rolet que Furetière, moins hardi, va peindre ici sous le pseudonyme de Vollichon. Il étoit bien connu