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124 LIVRE II. LA FAMILLE.

qu'assez tard comme noms de terre ou comme surnoms. Ce fut exactement le contraire chez les anciens. Or cette diffé- rence se rattache, si l'on y prend garde, à la différence des deux religions. Pour la vieille religion domestique, la fa- mille était le vrai corps, le véritable être vivant, dont l'in dividu n'était qu'un membre inséparable : aussi le nom patronymique fut-il le premier en date et le premier en im- portance. La nouvelle religion, au contraire, reconnaissait à l'individu une vie propre, une liberté complète, une indépen- dance toute personnelle, et ne répugnait nullement à l'isoler de la famille : aussi le nom de baptême fut-il le premier et longtemps le seul nom.

��40 Extension de la famille; Vesclavage et la clientèle.

Ce que nous avons vu de la famille, sa religion domestique, les dieux qu'elle s'était faits, les lois qu'elle s'était données, le droit d'aîness-e sur lequel elle s'était fondée, son unité, son développement d'âge en âge jusqu'à former lAgens, sa justice, son sacerdoce, son gouvernement intérieur, tout cela porte forcément notre pensée vers une époque primitive où la fa- mille était indépendante de tout pouvoir supérieur, et où la cité n'existait pas encore.

Que l'on regarde cette religion domestique, ces dieux qui n'appartenaient qu'à une famille et n'exerçaient leur provi- dence que dans l'enceinte d'une maison, ce culte qui était secret, cette religion qui ne voulait pas être propagée, cette antique morale qui prescrivait l'isolement des familles : il est manifeste que des croyances de cette nature n'ont pu prendre^ naissance dans les esprits des hommes qu'à une époque où les grandes sociétés n'étaient pas encore formées. Si le sentiment religieux s'est contenté d'une conception si étroite du divin, c'est que l'association humaine était alors étroite en propor- tion. Le temps où l'homme ne croyait qu'aux dieux domestiques est aussi le temps où il n'existait que des familles. Il est bien vrai que ces croyances ont pu subsister ensuite, et même fort

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