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126 LIVRE II. LA FAMILLE.

daas les diverses contrées où ses migrations l'ont conduite.

On peut donc entrevoir une longue périodependant laquelle les hommes n'ont connu aucune autre forme de société que la famille. C'est alors que s'est produite la religion domestique, qui n'aurait pas pu naître dans une société autrement con- stituée et qui a dû même être longtemps un obstacle au dé- veloppement social. Alors aussi s'est établi l'ancien droit privé, qui plus tard s'est trouvé en désaccord avec les intérêts d'une société un peu étendue, mais qui était en parfaite harmonie avec l'état de société dans lequel il est né.

Plaçons-nous donc par la pensée au milieu de ces antiques générations dont le souvenir n'a pas pu périr tout à fait et qui ont légué leurs croyances et leurs lois aux générations suivantes. Chaque famille a sa religion, ses dieux, son sacer- doce. L'isolement religieux est sa loi ; son culte est secret. Dans la mort même ou dans Texistence qui la suit, les fa- milles ne se mêlent pas : chacune continue à vivre à part dans son tombeau, d'où l'étranger est exclu. Chaque famille a aussi sa propriété, c'est-à-dire sa part de terre qui lui est attachée inséparablement par sa religion : ses dieux Termes en gardent l'enceinte, et ses mânes veillent sur elle. L'isolement de la propriété est tellement obligatoire que deux domaines ne peuvent pas confiner l'un k l'autre et doivent laisser entre eux une bande de terre qui soit neutre et qui reste inviolable. Enfin chaque famille a son chef, comme une nation aurait son roi. Elle a ses lois, qui sans doute ne sont pas écrites, mais que la croyance religieuse grave dans le cœur de chaque homme. Elle a sa justice intérieure au-dessus de laquelle il n'en est aucune autre à laquelle on puisse appeler. Tout ce dont l'homme a rigoureusement besoin pour sa vie matérielle ou pour sa vie morale, la famille le possède en soi. Il ne lui faut rien du dehors ; elle est un État organisé, une société qui te suffit.

Mais cette famille des anciens âges n^est pas réduite aux proportions de la famille moderne. Dans les grandes sociétés la famille se démembre et s'amoindrit, mais en l'absence de oute autre société elle s'étepd, elle se développe, elle se ra-

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