Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1920.djvu/137

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il y avait alors quelque chose qui faisait sa dignité : c’est qu’il avait part au culte et qu’il était associé à la religion de la famille. Il avait le même foyer, les mêmes fêtes, les mêmes sacra que son patron. A Rome, en signe de cette communauté religieuse, il prenait le nom de la famille. Il en était considéré comme un membre par l’adoption. De là un lien étroit et une réciprocité de devoirs entre le patron et le client. Écoutez la vieille loi romaine : « Si le patron a fait tort à son client, qu’il soit maudit, sacer esto, qu’il meure * ». Le patron doit protéger le client par tous les moyens et toutes les forces dont il dispose, par sa prière comme prêtre, par sa lance comme guerrier, par sa loi comme juge. Plus tard, quand la justice de la cité appellera le client, le patron devra le défendre ; il devra même lui révéler les formules mystérieuses de la loi’ qui lui feront gagner sa cause*. On pourra témoigner en justice contre un cognât, on ne le pourra pas contre un client ’ ; et l’on continuera à considérer les devoirs envers les clients comme fort au-dessus des devoirs envers les cognats*. Pourquoi? C’est qu’un cognât, lié seulement par les femmes, n’est pas un parent et n’a pas part à la religion de la famille. Le client, au contraire, a la communauté du culte; il a, tout inférieur qu’il est, la véritable parenté, qui consiste, suivant l’expression de Platon, à adorer les mêmes dieux domestiques.

La clientèle est un lien sacré que la religion a formé et que rien ne peut rompre. Une fois client d’une famille, on ne peut plus se détacher d’elle. La clientèle de ces temps primitifs n’est pas un rapport volontaire et passager entre deux hommes; elle est héréditaire i oa «it client par devoir, de père en fils*.

1. Loi des XII Tables, eiUe pur Serrlos, ad JEn., VI, 609. Cf. Virgile : Aut fraus innexa cHentî. — Sur les devoire des patrons, voy. Denys, II, io.

2. Clienti promere jura, HoTàce, Épîi.ïl, 1, 104. Cicéron, i>e orot., lll, 3J.

3. GatoD, dans Aulu-Gelle, V, 3; XXI, 1 : Adversus cognalos pro cliente tct- talur ; testimonium adversus clienlein nenio dicit.

4. Aulu-Gelle, \X, 1 : clientem tuendum esfe conlra cognalos.

i. Cette vérité, à notre avis, ressort pleinement de deux traits qui nous sont rapportés, l’un par Plutarque, l’autre par Cicéron. C. Hérennius, appelé en témoignage contre Marius, allégua qu’il était contraire aux règles antiques qu’un patron témoignât contre son client; et, comme on s’étonnait apparemment que Marius, qui avait . été déjà tribun, fût qualifié d» client, il ajouta qu’en effet < tlarius et sa famille

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