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CHAP. II. NOUVELLES CROTANCES RELIGIEUSES. 139

chacun de ces éléments des milliers de dieux naquirent. C'est que le même agent physique, aperçu sous des aspects divers, reçut des hommes diiïérents noms. Le soleil, par exemple, fijt appelé ici Héraclès (le glorieux), là Phœbos (l'éclatant), ail- leurs Apollon (celui qui chasse la nuit ou le mal) ; l'un le nomma l'Être élevé (Hypérion), l'autre le secourable (Alexi- cacos) ; et, à la longue, les groupes d'hommes qui avaient donné ces noms divers à l'astre brillant ne reconnurent pas qu'ils avaient le même dieu.

En fait, chaque homme n'adorait qu'un nombre très-restreint de divinités ; mais les dieux de l'un ne semblaient pas être ceux de l'autre. Les noms pouvaient, à la vérité, se ressembler; beaucoup d'hommes avaient pu donner séparément à leur dieu le nom d'Apollon ou celui d'Hercule, car ces mots appartenaient à la langue usuelle et n'étaient que des adjectifs qui désignaient l'Être divin par l'un ou l'autre de ses attributs les plus saillants. Mais sous ce même nom les différents groupes d'hommes ne pouvaient pas croire qu'il n'y eût qu'un dieu. On comptait des milliers de Jupiters différents -, il y avait une multitude de Minerves, de Dianes, de Junons, qui se ressemblaient fort peu. Chacune de ces conceptions s'étant formée par le travail libre de chaque esprit et étant en quelque sorte sa propriété, il arriva que ces dieux furent longtemps indépendants les uns des autres, et que chacun d'eux eut sa légende particulière et son culte'. *»

Gomme la première apparition de ces croyances est d'ut» époque où les hommes vivaient encore dans l'état de famille, ces dieux nouveaux eurent d'abord, comme les démons, les héros et les lares, le caractère de divinités domestiques. Chaque famille s'était fait ses dieux, et chacune les gardait pour soi, comme des protecteurs dont elle no voulait pas partager les bonnes grâces avec des étrangers. C'est là une pensée qui

��1. S'il arrÎTait gourent qne plusieurs uomc représentassent nne même divinité os une même conception de l'esprit, il arrivait aussi qu'un même nom cachât souvent des diviaités fort différentes : Poséidon Hippios, Poséidon Phylalmios, Poséidon Ércclhée, Poséidon ^géen, Poséidon Héliconien, étaient dea dieux dÏTers qui n'avaient ni les mêmes attribnta ni les infemes adorateors.

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