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8 LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

Pas davantage ; la pensée que les âmes entraient dans une demeure céleste est d'une époque relativement récente en Occident ; le séjour céleste n'était regardé que comme la récompense de quelques grands hommes et des bienfaiteurs de l'humanité. D'aprè^ les plus vieilles croyances des Italiens et des Grecs, ce n'était pas dans un monde étranger à celui-ci que l'âme allait passer sa seconde existence -, elle restait tout près des hommes et continuait à vivre sous la terre *.

On a même cru pendant fort longtemps que dans cette seconde existence l'âme restait associée au corps. Née avec lui, la mort ne l'en séparait pas; elle s'enfermait avec lui dans le tombeau.

Si vieilles que soient ces croyances, il nous en est resté des témoins authentiques. Ces témoins sont les rites de la sépul- ture, qui ont survécu de beaucoup à ces croyances primitives, mais qui certainement étaient nés avec elles et peuvent nous les faire comprendre.

Les rites de la sépulture montrent clairement que lorsqu'on mettait un corps au sépulcre, on croyait en même temps y mettre quelque chose de vivant. Virgile, qui décrit toujours avec tant de précision et de scrupule les cérémonies religieuses, termine le récit des funérailles de Polydore par ces mots: Nous enfermons l'âme dans le tombeau. » La même expres- sion se trouve dans Ovide et dans Pline le Jeune; ce n'est pas qu'elle répondît aux idées que ces écrivains se faisaient de l'âme, mais c'est que depuis un temps immémorial elle s'était perpétuée dans le langage, attestant d'antiques et vulgaires croyances'.

1. Sub terra cemebant reliquam vitam agi morluorum. Cicéron, Tuse.. I, 16. Cette croyance était si forte, ajoute Cicéron, que, même lorsque l'usage de

rûler les corps s'établit, on continua à croire que les morts vivaient sons la terre. ►- Cf. Euripide, Alresle, 16S ; Hêcube, passim.

2. Virgile, En., III, 67 : animamque sepulcro condimus. — Ovide, Fast., V, 451 : tumulo fralernas condidit umbras. — Pline, Ep., VII, 27 : mânes rite eonditi. — La description de Virgile se rapporte à l'usage des cénotaphes ; il était admis que lorsqu'on ne pouvait pas retrouver le corps d'un parent, on lui faisait une cérémonie qui reproduisait exactement tous les rites de la sépulture, et l'on croyait par là enfermer, à défaut du corps, l'âme dans le tombeau. Euripide, Hélène, 1061,1240. Scholiast. ad Pindar. Pyth., IV, 3S4. Virgile, VI, 50 b ; XII, 214.

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