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164 LIVRE III. LA CITÉ.

C'est qu'il ne s'agit pas ici d'un guerrier ou d'un héros d«  roman. Le poète veut nous montrer un prêtre. Énée est le chef du culte, l'homme sacré, le divin fondateur, dont la mission est de sauver les Pénates de la cité :

Sum pias ^neas raptos qui ex boste PenatM Classe vebo mecam.

Sa qualité dominante doit être la piété, et l'épithète que le poète lui applique le plus souvent est aussi celle qui lui con- vient le mieux. Sa vertu doit être une froide et haute imper- aonnalité, qui fasse de lui, non un homme, mais un instrument des Dieux. Pourquoi chercher en lui des passions? il n'a pas le droit d'en avoir, ou il doit les refouler au fond de soa

cœur:

Multa gemens multoque animum labefactas amore, Jussa lameo Divum insequitur.

Déjà dans Homère Énée était un personnage sacré, un grand prêtre, que le peuple « vénérait à l'égal d'un dieu », et que Jupiter préférait à Hector. Dans Virgile il est le gardien et le sauveur des dieux troyens. Pendant la nuit qui a con- sommé la ruine de la ville, Hector lui est apparu en songe. «Troie, lui a-t-il dit, te confie ses dieux; cherche une nouvelle ville ». Et en même temps il' lui a remis les choses saintes, les statuettes protectrices et le feu du foyer qui ne doit pas s'éteindre. Ce songe n'est pas un ornement placé là par la fantaisie du poëte. Il est, au contraire, le fondement »ur lequel repose le poëme tout entier; car c'est par lui qu'Énée est devenu le dépositaire des dieux de la cité et que sa mission sainte lui a été révélée.

La ville de Troie a péri, mais non pas la- cité troyenne; grâce à Énée, le foyer n'est pas éteint, et les dieux ont encore un culte. La cité et les dieux fuient avec Énée; ils parcourent les mers et cherchent une contrée où il leur soit donné u s'arrêter:

Gensidere Teucros EmalMqa* Dms agitataque numioa Trqja.

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