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CHAP. V. LE CULTE DU FONDATEUR. 165

Énée cherche une demeure fixe, si petite qu'elle soit, pour ses dieux paternels :

Dts sedetn exiguam patriis.

Mais le choix de cette demeure, à laquelle la destinée de U cité sera liée pour toujours, ne dépend pas des hommes : il appartient aux dieux. Enée consulte les devins et interroge les oracles. Il ne marque pas lui-même sa route et son but; il se laisse diriger par la divinité :

Italiam non sponte seqnor.

Il voudrait s'arrêter en Thrace, en Crète, en Sicile, à Car» Ihage avecDidon : fata obstant. Entre lui et son désir du repos, entre lui et son amour, vient toujours se placer l'arrêt des dieux, la parole révélée, fata.

Il ne faut pas s'y tromper : le vrai héros du poërae n'est pas Énée: ce sont les dieux de Troie, ces mêmes dieux qui doivent être un jour ceux de Rome. Le sujet de VEnéide, c'est la lutte des dieux romains contre une divinité hostile. Des obstacles de toute nature pensent les arrêter :

Tantœ molis erat romanam condere gentemt

Peu s'en faut que la tempête ne les engloutisse ou que l'amour d'une femme ne les enchaîne. Mais ils triomphent de tout et arrivent au but marqué :

Fata viam invenlunt.

Voilà ce qui derait singulièrement éveiller l'intérêt des Romains. Dans ce poëme ils se voyaient, eux, leur fondateur, leur ville, leurs institutions, leurs croyances, leur empire: car sans ces dieux la cité romaine n'existerait pas*.

1. Noos n'avons pas à examiner ici si la légende d'Énée repond à an fait réel; il nous suffit d'y yoir une croyance. Elle nous oionlre ce que les anciens se figu- raient par an fondateur de tille, quelle idée ils se faisaient du penatiger, et pour nous c'est là l'important. Ajoutons que plusieurs villes, en Thrace, en Crète, en pire, à Cythère, à Zacynihe, «a Sicile, en Italie, croyaient avoir été fondMapar Énée et lui rendaient un col e.

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