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CHAP. VIII. LES RITUELS ET LES ANNALES 201

mais le mensonge volontaire ne se conçoit pas ; car il eût été impie; il eût violé la sainteté des annales et altéré la religion. Nous pouvons donc croire que dans ces vieux livres, si tout ï'était pas vrai, du moins il n'y avait rien que le prêtre ne irût vrai. Or c'est, pour l'historien qui cherche à percer l'obs- turité de ces vieux temps, un puissant motif de confiance, que de savoir que, s'il a affaire ^ des erreurs, il n'a pas affaire à l'imposture. Ces erreurs mêmes, ayant encore l'avantage d'être contemporaines des vieux âges qu'il étudie, peuvent lui révéler, sinon le détail des événements, du moins les croyances sin- cères des hommes.

Il y avait aussi, à côté des annales, documents écrits et authentiques, une tradition orale qui se perpétuait parmi le peuple d'une cité : non pas tradition vague et indifférente comme le sont les nôtres, mais tradition chère aux villes, qui De variait pas au gré de l'imagination, et qu'on n'était pas libre de modifier ; car elle faisait partie du culte, et elle se composait de récits et de chants qui se répétaient d'année en iinnée dans les fêtes de la religion. Ces hymnes sacrés et im- muables fixaient les souvenirs et ravivaient perpétuellement îa tradition.

Sans doute, on ne peut pas croire que cette tradition eût l'exactitude des annales. Le désir de louer les dieux pouvait être plus fort que l'amour de la vérité. Pourtant elle devait être au moins le reflet des annales, et se trouver ordinaire- ment d'accord avec elles. Car les prêtres qui rédigeaient et qui Usaient celles-ci étaient les mêmes qui présidaient aux fêtes où les vieux récits étaient chantés.

Il vint d'ailleurs un temps où ces annales furent divulguées; Rome finit par publier les siennes; celles des autres villes ita- liennes furent coniQues; les prêtres des villes grecques ne se firent plus scrupule do raconter ce que les leurs contenaient '.

1. Cicéron, dé Oratore, II, 12 : Res omnes singulorum annorutn mandabat mieris pontifecD et proponebat domi ut pofestas e$set populo cognoscem^ii. Cf. Servius, ad /En., I, 373. Denys déclare qu'il conaait les livres sacrés et leu annales secrètes de Rome (XI, 62). — En Grèce, dès une époque assez anciec 3, il y eut des to^ogirap/ies qui consultèrent et copièrent les annalessacréesdetvillM; »oy. Deny», de Thucyd. histor., c. 5, éd. Reiske, p. «ig.

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