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200 LIVRE III. LA CITÉ.

On peut croire que ces annales des villes étaient fort sèches fort bizarres pour le fond et pour la forme. Elles n'étaient pas une œuvre d'art, mais une œuvre de religion. Plus tard sont ve nus les écrivains, les conteurs comme Hérodote, ies-pen- seurs comme Thucydide. L'histoire est sortie alors des mains lies prêtres et s'est transformée. Malheureusement, ces beaux et brillants écrits nous laissent encore regretter les vieilles archives des villes et tout ce qu'elles nous apprendraient sur les croyances et la vie intime des anciens. Ces inappréciables ^ documents, qui paraissent avoir été tenus secrets, qui ne lortaient pas des sanctuaires, dont on ne faisait pas de copies et que les prêtres seuls lisaient, ont tous péri, et il ne nous en "est resté qu'un faible souvenir.

Il est vrai que ce souvenir a une grande valeur pour nous. Sans lui on serait peut-être en droit de rejeter tout ce que la Grèce et Rome nous racontent de leurs antiquités ; tous ces récits, qui nous paraissent si peu vraisemblables, parce qu'ils s'écartent de nos habitudes et de notre manière de penser eè d'agir, pourraient passer pour le produit de l'imagination des hommes. Mais ce souvenir qui nous est resté des vieilles ariîiales, nous montre au moins le respect pieux que les anciens avaient pour leur histoire. Nous savons que dans ces archives les laits étaient religieusement déposés à mesure qu'ils se produisaient. Dans ces livres sacrés chaque page était contemporaine de l'évé- nement qu'elle racontait. Il était matériellement impossible d'altérer ces documents ; car les prêtres en avaient la garde, et la religion était grandement intéressée à ce qu'ils restassent inaltérables. Il n'était même pas facile au pontife, à mesure qu'il en écrivait les lignes, d'y insérer sciemment des faits contraires à la vérité. Car on croyait que tout événement ve- nait des dieux, qu'il révélait leur volonté, qu'il donnait lieu pour les générations suivantes à des souvenirs pieux et même à des actes sacrés; tout événement qui se produisait dans la cité faisait aussitôt partie de la religion de l'avenir. Avec de toiles croyances, on comprend bien qu'il y ait eu beaucoup d'erreurs involontaires, résultat de la crédulité, de la prédilec- tion pour le merveilleux^ de la foi dans les dieux nationaux;

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