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14 LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

retirant, on avait grand soin de laisser un peu de lait et quel- ques gâteaux dans des vases, et qu'il y avait grande impiété h ce qu'un vivant touchât à cette petite provision destinée aux besoins du mort.

Ces vieilles croyances ont persisté longtemps, et l'expres- sion s'en retrouve encore chez les grands écrivains de la Grèce. « Je verse sur la terre du tombeau, dit Iphigénie dans Euripide, le lait, le miel, le vin, car c'est avec cela qu'on ré- jouit les morts'..» — «Fils de Pelée, dit Néoptolème, reçois ce breuvage qui plaît aux morts, viens et bois ce sang*. » Electre verse les libations et dit : « Le breuvage a pénétré la terre, mon père l'a reçu*. » Voyez la prière d'Oreste à son père mort : « mon père, si je vis, tu recevras de riches ban- quets; mais si je meurs, tu n'auras pas ta part des repas fu- meux dont les morts se nourrissent*. » Les plaisanteries de Lucien attestent que ces usages subsistaient encore de son temps : « Les hommes s'imaginent que les âmes viennent d'en bas vers les dîners qu'on leur apporte, qu'elles se réga- lent de la fumée des viandes et qu'elles boivent le vin ré- pandu sur les fosses". » Chez les Grecs, en avant de chaque tombeau il y avait un emplacement qui était destiné à l'immo- lation de la victime et à la cuisson de sa chair «. Le tombeau romain avait de même sa culina, espèce de cuisine d'un genre particulier et uniquement à l'usage du mort'. Plutarque ra- conte qu'après la bataille de Platée les guerriers morts ayant

1. Euripide, Iphigénie en Tauride, 157-16S.

2. Euripide, Hécube, 536 ; Éleclre, 505 et suiT.

3. Eschyle, Choéphores, 162.

4. Eschyle, Choéphores, 482-484. — Dans les PeràM, Eschyle prête i Atossa ItBidâes des Grecs : < J'apporte '^ mon époux ces mets qui réjouissent. les morts, le lait, le miel doré, le fruit de la vigne ; appelons l'âme de Darius et versons tes breuvages que boira la terre et qui pénétreront chez les dieux d'en bas ». (Perses, 610-620). — Lorsque les victimes étaient offertes aux divinités du ciel, la chair était mangée par les mortels ; mais lorsqu'elles étaient offertes aux morts, [a chair était brûlée tout entière (Pausanias, II, 10).

5. Lucien, Choron, 22, — Ovide, Fastu, II, 566 : poiilo poêàlur wnbra tibo.

6. Lucien, Char<yi\, c. 22 : « Us creusent des fosses près des tombe* et ils ont cnire des nwts pour let morts. »

1. t-Vstus, V. culina : cuUna vocatur locuê *n fuo epula in funere c^m*- Ouruniur.

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