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228 LIVRE III. LA CITÉ.

n'a pas même le droit de les invoquer. Car ces dieux natio< naux ne veulent recevoir de prières et d'ofFrandes que du ci- toyen-, ils repoussent l'étranger; l'entrée de leurs temples lui est interdite et sa présence pendant les cérémonies est un sa- crilège. Un témoignage de cet antique sentiment de répulsion nous est resté dans un des principaux rites du culte romain \ le pontife, lorsqu'il sacrifie en plein air, doit avoir la tête voilée, « parce qu'il ne faut pas que devant les feux sacrés, dans l'acte religieux qui est offert aux dieux nationaux, le visage d'un étranger se montre aux yeux du pontife ; les auspices en seraient troublés". » Un objet sacré qui tombait momentanément aux mains d'un étranger devenait aussitôt profane; il ne pouvait recouvrer son caractère religieux que par une cérémonie expiatoire*. Si l'ennemi s'était emparé d'une ville et que les citoyens vinssent à la reprendre, il fallait avant toute chose que les temples fussent purifiés et tous les foyers éteints et renouvelés ; le contact de l'étranger les avait souillés '. ■ C'est ainsi que la religion établissait entre le citoyen et l'étranger une distinction profonde et ineffaçable*. Cette même religion, tant qu'elle fut puissante sur les âmes, défendit de communiquer aux étrangers le droit de cité. Au temps d'Héro- dote, Sparte ne l'avait encore accordé à personne, excepté à un devin-, encore avait-il fallu pour cela l'ordre formel de l'oracle*. Athènes l'accordait quelquefois, mais avec quelles précautions! Il fallait d'abord que le peuple réuni votât l'ad-

��1. Virgile, En.,UÏ, 406. Festus, v» Exe.fto : Liclor in quibusdam sacris cla- mitahat, hostis exesto. On sait que hostis se disait de l'étranger (Maorobe, I, 17 ; Varron, De ling. lat., V, 3 ; Plante, Trinwnus, I, 2, 65); hostilis faciès, dans Virgile, signiQe le TJsage d'un étranger.

2. Digeste, liv. XI, tit. 6, 36.

3. On peut voir un eiemple de cette règle, pour la Grèet, dus PluUrque, Aris- iide, 20, et, pour Rome, dans Tite-Live, V, 50.

4. Ces règles des temps antiques se sont adoucies plus tard; les étrangers ont eblenu le droit d'entrer dans les temples de la cité et d'y déposer des offraudes. En- core est-il resté certaines fêtes et certains sacrifices d'oii l'étranger a toujours et

xclu; voy. Bœckh, Corp. inscr., a' 101 : niiç«uù<n vé|i«(ii6v ^ntv «laUva», iXX<, ?» M.

5. Hérodote, IX, 33-35. Toutefois Aristote dit que les anciens rois de Sparte ivaieat aoeordé assez Totiotiérs le droit d« cité {Politiaue, II, 9, t3).

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