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234 LIVRE III. LA CITÉ.

partout ailleurs il est sans dieu et en dehors de la vie morale. Là seulement il a sa dignité d'homme et ses devoirs. Il ne peut être homme que là.

La patrie tient l'homme attaché par un lien sacré. Il faut Faimer comme on aime une religion, lui obéir comme on obéit à Dieu. « Il faut se donner à elle tout entiec, mettre tout en elle, lui vouer tout. » Il faut l'aimer glorieuse ou obscure, prospère ou malheureuse. Il faut l'aimer dans ses bienfaits et l'aimer encore dans ses rigueurs. Socrate condamné par elle sans raison ne doit pas moins l'aimer. Il faut l'aimer, comme Abraham aimait son Dieu, jusqu'à lui sacrifier son fils. Il faut surtout savoir mourir pour elle. Le Grec ou le Romain ne meurt guère par dévouement à un homme ou par point d'hon- neur, mais à la patrie il doit sa vie. Car, si la patrie est atta- quée, c'est sa religion qu'on attaque. Il combat véritablement pour ses autels, pour ses foyers, pro aris et focis^\ car, si l'ennemi s'empare de sa ville, ses autels seront renversés, ses foyers éteints, ses tombeaux profanés, ses dieux détruits, son culte effacé. L'amour de la patrie, c'est la piété des anciens.

Il fallait que la possession de la patrie fût bien précieuse ; car les anciens n'imaginaient guère de châtiment plus cruel que d'en priver l'homme. La punition ordinaire des grands crimes était l'exil.

L'exil n'était pas seulement l'mterdiction du séjour de la ville et l'éloignement du sol de la patrie : il était en même temps l'interdiction du culte-, il contenait ce que les modernes ont appelé l'excommunication. Exiler un homme, c'était, sui- vant la formule usitée chez les Romains, lui interdire le feu et Veau*. Par ce feu, il faut entendre le feu des sacrifices; par cette eau, l'eau lustrale*. L'exil mettait donc un homme hors de la religion. A Sparte aussi, quand un homme était privé du droit de cité, le feu lui était interdit*. Un poëte athénien

��1. De là la formule da serment qae prononçait le jeune Athénien: &|tuvS iml^ t3n r«p3iv. Polluï, VIII, 105. Lycurgue, in Leocratem, 78. t. CTcéron, Pro domo, 18. Tite-Lire, XXV, 4. Ulpien, X, 3.

3. Feetus, éd. Mûller, p. S.

4. Hérodot*. \1L SM.

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