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18 LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

L'Hindou devait procurer aux mânes le repas qu'on appelait vraddha. « Que le maître de maison fasse le sraddha avec du nz, du lait, des racines, des fruits, afin d'attirer sur lui la bien- veillance des mânes. » L'Hindou croyait qu'au moment où il offrait ce repas funèbre, les mânes des ancêtres venaient s'as- seoir près de lui et prenaient la nourriture qui leur était of- ferte. Il croyait encore que ee repas procurait aux morts une grande jouissance: «Lorsque le sraddha est fait suivant les rites, les ancêtres de celui qui offre le repas éprouvent une satisfaction inaltérable'. »

Ainsi les Aryas de l'Orient, à l'origine, ont pensé comme ceux de l'Occident relativement au mystère de la destinée après la mort. Avant de croire à la métempsycose, ce qui supposait une distinction ab^plue de l'âme et du corps, ils ont cru à l'existence vague et indécise de l'être humain, invisible mais non immatériel, et réclamant des mortels une nourriture et des breuvages.

L'Hindou, comme le Grec, regardait les morts comme des êtres divins qui jouissaient d'une existence bienheureuse. Mais il y avait une condition à leur bonheur ; il fallait que les of- frandes leur fussent régulièrement portées par les vivants. Si l'on cessait d'accomplir le sraddha pour un mort, l'âme de ce mort sortait de sa demeure paisible et devenait une âme er- rante qui tourmentait les vivants; en sorte que si les mânes étaient vraiment des dieux, ce n'était qu'autant que les vivants les honoraient d'un culte*.

Les Grecs et les Romains avaient exactement les mêmes opinions. Si l'on cessait d'offrir aux morts le repas funèbre, \ aussitôt les morts sortaient de leurs tombeaux; ombres er- rantes, on les entendait gémir dans la nuit silencieuse. Ils Teprochaient aux vivants leur négligence impie ; ils cherchaient

1. Loiê de Manou, I, 9&; m, 83, 122, 127, 146, 18». 374.

2. Ce calle rendu aui morts s'exprimait en grec par les mots iva^l^M, Ivayuriii^, PoUux, VIII, 9t ; Hérodote, I, 167; PluUrque, Aristide, 21; Caton, 15; Pausa- ■ias, IX, 13, S. Le mot ivi>Y^« ^e disait des Bacrlfices offerts aux morts, 9ùu de cenx qu'on offrait aux dieux du ciel; cette différence est bien marquée par l'ausa- ■ûi, Û, 10, i, et par le scholiaste d'Euripide, Phénic, 281. Cf. Pluiarque, Queêt.

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