Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1920.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAP. ivii. LE romain; l'athénien. Î57

personnelles, une seule voix se soit jamais élevée pour dire : Ceci est un mensonge. Si un patricien eût trahi les secrets de Ba caste, si, s'adressant aux plébéiens qui supportaient im- patiemment le joug de cette religion, il les eût tout à coup débarrassés et affranchis de ces auspices et de ces sacerdoces, cet homme eût acquis immédiatement un tel crédit qu'il fût devenu le maître de l'État. Croit-on que, si les patriciens n'eussent pas cru à la religion qu'ils pratiquaient, une telle tentation n'aurait pas été assez forte pour déterminer au moins un d'entre eux à révéler le secret? On se trompe gravement sur la nature humaine si l'on suppose qu'une religion puisse s'établir par convention et se soutenir par imposture. Que l'on compte dans Tite-Live combien de fois cette religion gê- nait les patriciens eux-mêmes,combien de fois elle embarrassa le Sénat et entrava son action, et que l'on dise ensuite si cette religion avait été inventée pour la commodité des politi- ques. C'est au temps de Cicéron que l'on a commencé de croire que la religion était utile au gouvernement; mais déjà la reli- gion était morte dans les âmes.

Prenons un Romain des premiers siècles; choisissons un des plus grands guerriers, Camille, qui fut cinq fois dictateur et qui vainquit dans plus de dix batailles. Pour être dans le vrai, il faut se le représenter autant comme un prêtre que comme un guerrier. Il appartient à la gens Furia; son surnom est un mot qui désigne une fonction sacerdotale. Enfant, on lui a fait porter la robe prétexte qui indique sa caste, et la bulle qui détourne les mauvais sorts. Il a grandi en assistant chaque jour aux cérémonies du culte vil a passé sa jeunesse à s'instruire des rites de la religion. Il est vrai qu'une guerre a éclaté et que le prêtre s'est fait soldat; on l'a vu, blessé à la cuisse dans un combat de cavalerie, arracher le fer de la blessure et continuer à combattre. Après plusieurs cam- pagnes, il a été élevé aux magistratures \ cftmme magistrat, il a fait les sacrifices publics, il a jugé, il a commandé l'armée. Un jour vient où l'on songe à lui pour la dictature. Ce jour- là, le magistrat en charge, après s'être recueilli pendant un* Quit claire, a consulté les dieux; sa pensée était attachée à C»-

�� �