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Î66 LIVRE m. LA CITÉ,^

mariait pas, mais même celui qui se mariait tard. L'État pou- vait prescrire à Athènes le travail, à Sparte l'oisiveté*. Il exer- çait sa tyrannie jusque dans les plus petites choses; à Locrea, la loi défendait aux hommes de boire du vin pur; à Come, à Milet, àMarseille, elle lé défendait aux femmes*. Il était ordi- naire que le costume fût fixé invariablement par les lois de chaque cité ; la législation de Sparte réglait la coiffure des femmes, et celle d'Athènes leur interdisait d'emporter en voyage plus de trois robes '. A Rhodes la loi défendait de sa raser la barbe ; à Byzance, elle punissait d'une amende celui qui possédait chez soi un rasoir ; à Sparte, au contraire, elle exigeait qu'on se rasât la moustache*.

L'État avait le droit de ne pas tolérer que ses citoyens fussent difformes ou contrefaits. En conséquence il ordonnait au père à qui naissait un tel enfant, de le faire mourir. Cette loi se trouvait dans les anciens codes de Sparte et de Rome». Nous ne savons pas si elle existait à Athènes; nous savons seulement qu'Aristote et Platon l'inscrivirent dans lears légis- lations, idéales.

Il y a dans l'histoire de Sparte un trait que Plutarque et Rousseau admiraient fort. Sparte venait d'éprouver une dé^ faite àLeuctres et beaucoup de ses citoyens avaient péri. A cette nouvelle, les parents des morts durent se montrer en public avec un visage gai. La mère qui savait que son fils avait échappé au désastre et qu'elle allait le revoir, montrait de l'affliction et pleurait. Celle qui savait qu'elle ne reverrait plus son fils, témoignait de la joie et parcourait les temples en remerciant les dieux. Quelle était donc la puissance de l'Étal^ qui ordonnait le renversement des sentiments naturels et qui était obéi I

I. i*lutarque, Lycurgue, 24. Pollux, VIH, 42. Théophraste, fragment 99.

J. Alhénée, X, 3S. Elien, H. V., Il, 38. Théophraste, fr. 117.

J. Xénophon, flesp. Lac, 7. Thucydide, I, 6. Plutarque, Lycurgue, 9. Héraclide de Pont, Fragmenta, éd. Didot, t. II, p. 2M. Plutarque, Solon, 21.

4. Athénée, XIII, 18. Plutarque, Cléomens, 9. — « Les Romains ne croyaient pas qu'on dût laisser à chacun la liberté de se marier, d'avoir des enfants, de vivra à ea guise, de faire des festins, de suivre ses goûts, sans subir une inspection et ■n jugement. » Plutarque, Caton, 23.

i. Cicéron, cl» legib. ni. 8 : Denjs. H, l&: Plutarque, Lycurguê, 16.

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