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310 LIVRE IV. LES RÉVOLUTIOWS.

Mais la cité étant fondée, les clients des différentes familles pouvaient se voir, se parler, se communiquer leurs désirs ou leurs rancunes, comparer les différents maîtres et entrevoir un sort meilleur. Puis leur regard commençait à s’étendre au delà de l’enceinte de la famille. Ils voyaient qu’en dehors d’elle il existait une société, des règles, des lois, des autels, des temples, des dieux. Sortir de la famille n’était donc plus pour eux un malheur sans remède. La tentation devenait chaque jour plus forte ; la clientèle semblait un fardeau de plus en plus lourd, et l’on cessait peu à peu de croire que l’autorité du maître fût légitime et sainte. Il entra alors dans le cœur de ces hommes un ardent désir d’être libres.

Sans doute on ne trouve dans l’histoire d’aucune cité le souvenir d’une insurrection générale de cette» classe. S’il y eut des luttes à main armée, elles furent renfermées et ca chées dans l’enceinte de chaque famille. C’est là que l’on vit, pendant plus d’une génération, d’un côté d’énergiques efforts pour l’indépendance, de l’autre une répression implaca- ble. Il se déroula, dans chaque maison, une longue et drama- tique histoire qu’il est impossible aujourd’hui de retracer. Ce qu’on peut dire seulement, c’est que les efforts de la classe in- férieure ne furent pas sans résultats. Une nécessité invincible obligea peu à peu les maîtres à céder quelque chose de leur omnipotence. Lorsque l’autorité cesse de paraître juste aux sujets, il faut encore du temps pour qu’elle cesse de le paraître aux maîtres; mais cela vient à la longue, et alors le maître, qui ne croit plus son autorité légitime, la défend mal ou finit par y renoncer. Ajoutez que cette classe inférieure était utile, que ses bras, en cultivant la terre, faisaient la richesse du maître, et en portant les armes faisaient sa force au milieu des rivalités des familles, qu’il était donc sage de la satisfaire et que l’intérêt s’unissait à l’humanité oour conseiller des con- cessions.

Il paraît certain que la condition des clients s’améliora peu à peu. A l’origine ils vivaient dans la maison du maître, culti- rant ensemble le domaine commun. Plus tard on assigna à chacun d’eux un lot de terre particulier. Le client dut se trou-

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