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CHAP. VI. LES CLIENTS S AFFRANCHISSENT. 311

7cr déjà plus heureux. Sans doute il travaillait encore au pro fit du maître; la terre n'élait pas à lui, c'était plutôt lui qui était à elle. N'importe, il la cultivait de longues années de suite jt il l'aimait. Il s'établissait entre elle et lui, non pas ce lien que la religion de la propriété avait créé entre elle et le maî- tre, mais un autre lien, celui que le travail et la souffrance même peuvent former entre l'homme qui donne sa peine et la terre qui donne ses fruits. ^

Vint ensuite un nouveau progrès. Il ne cultiva plus, pour U maître, mais pour lui-même. Sous la condition d'une redevance, qui peut-être fut d'abord variable, mais qui ensuite devint fixe, il jouit de la récolte. Ses sueurs trouvèrent ainsi quelque récom- pense et sa vie -fut à la fois plus libre et plus fière. « Les chefs de famille, dit un ancien, assignaient des portions de terre à leurs inférieurs, comme s'ils eussent été leurs propres en- fants ' ». Oi? lit de même dans VOdyssée : « Un maître bien- veillant donne à son serviteur une maison et une terre » ; et Eumée ajoute : a une épouse désirée», parce que le client ne peut pas encore se marier sans la volonté du maître, et que c'est i^ maître qui lui choisit sa compagne.

Mais ce champ où s'écoulait désormais sa vie, oi!i étaient tout son labeur et toute sa jouissance, n'était pas encore sa propriété. Car ce client n'avait pas en lui le caractère sacré qui faisait que le sol pouvait devenir la propriété d'un homme. Le lot qu'il occupait continuait à porter la borne sainte, le dieu Terme que la famille du maître avait autrefois posé. Cette borne inviolable attestait que le champ, uni à la famille du maî- tre par un lien sacré, ne pourrait jamais appartenir en propre au client affranchi. En Italie, le champ et la maison qu'ocdu- pait le villicus, client du patron, renfermaient un foyer, un Lar familiaris ; ma\s ce foyer n'était pas au cultivateur; c'était le foyer du maître*. Cela établissait à la fois le droit de propriété du patron et la subordination religieuse du client, qui, si loin qu'il fût du Datron. suivait encore son culte.

��|. Festus, ▼• Paires, éd. MûUer, p. 246.

3. C«lon, De rt ru«l., <43. ColumeUe. XI, 1. l« 

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