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344 LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

ditaire devait seule gouverner les hommes, il en résultait qu'il ne voyait pas de gouvernement possible pour la plèbe. Il no concevait pas que le pouvoir social pût s'exercer régulièrement sur cette classe d'hommes. La loi sainte ne pouvait pas ler.f être appliquée; la justice était un terrain sacré qui leur étal interdit. Tant qu'il y avait eu dés rois, ils avaient pris sur em de régir la plèbe, et ils l'avaient fait d'après certaines règlel qui n'avaient rien de commun avec l'ancicmne religion, et quB le besoin ou l'intérêt public avait fait trouver. Mais par la ré- volution qui avait chassé les rois, la religion avait repris l'empire, et il était arrivé forcément que toute la classe plé- béienne avait été rejetée en dehors des lois sociales.

Le patriciat s'était fait alors un gouvernement conforme à ses propres principes; mais il ne songeait pas à en établir un pour la plèbe. Il n'avait pas la hardiesse de la chasser de Rome, mais il ne trouvait pas non plus le moyen de la coù- stituer en société régulière. On voyait ainsi aumiheu de Romô des milliers de familles pour lesquelles il n'existait pas de lois fixes, pas d'ordre social, pas de magistratures. La cité, le populus, c'est-à-dire la société patricienne avec les clients qui lui restaient encore, s'élevait puissante, organisée, majes- tueuse. Autour d'elle vivait la multitude plébéienne qui n'était pas un peuple et ne formait pas un corps. Les consuls, chefs de la cité patricienne, maintenaient l'ordre matériel dans cette population confuse; les plébéiens obéissaient; faibles, géné- ralement pauvres, ils pliaient sous la force du corps patricien.

Le problème dont la solution devait décider de l'avenir de Rome était celui-ci : comment la olèbe deviendrait-elle un société régulière?

Or le patriciat, dominé par les principes rigoureux de sa religion, ne voyait qu'un moyen de résoudre ce problème, et c'était de faire entrer la plèbe, par la clientèle, dans les cadres sacrés des gentes. On entrevoit qu'une tentative fut faite en ce sens. La question des dettes, qui agita Rome à cette époque, ne peut s'expliquer que si l'on voit en elle la question plus grave de la clientèle et du servage. La plèbe romaine, dé- pouillée de ses terres, ne pouvait plus vivre. Les patriciens

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