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CHAP. Vil. PROGRÈS 1>E LA PLÈBE. 3l3-

Les lois que Servius avait faites pour la plèbe lui furent aussi retirées. Si le système des classes et l'assemblée centu- riate ne furent pas abolis, c'est d'abord parce que l'état d«  guerre ne permettait pas de désorg'aniser l'armée, c'est en- suite parce que l'on sut entourer ces comices de formalités telles que le patriciat fût le maître des élections. On n'osa pas enlever aux plébéiens le titre de citoyens; on les laissa figu- rer dans le cens. Mais il est clair que le patriciat,en permet- tant à la plèbe de faire partie de la cité, ne partagea avec elle ni les droits politiques, ni la religion, ni les lois. De nom, la plèbe resta dans la cité; de fait, elle en fut exclue.

N'accusons pas plus que de raison les patriciens, et ne sup- posons pas qu'ils aient froidement conçu le dessein d'opprimer et d'écraser la plèbe. Le patricien, qui descendait d'une fa- mille sacrée et se sentait l'héritier d'un culte, ne comprenait pas d'autre régime social que celui dont l'antique religion avait tracé les règles. A ses yeux, l'élément constitutif de toute société était là gens, avec son culte, son chef héréditaire, sa clientèle. Pour lui, la cité ne pouvait pas être autre chose que la réunion des chefs des gentes. U n'entrait pas dans son esprit qu'il pût y avoir un autre système politique que celui qui reposait ~sur le culte, d'autres magistrats que ceux qui accomplissaient les sacrifices publics, d'autres lois que celles dont la religion avait dicté les saintes formules. Il ne fallait même pas lui objecter que les plébéiens avaient aussi, depuis peu, une religion, et qu'ils faisaient des sacrifices aux Lares des carrefours. Car il eût répondu que ce culte n'avait pas le caractère essentiel de la véritable religion, qu'il n'était pas héréditaire, que ces foyers n'étaient pas des feux antiques, et que ces dieux Lares n'étaient pas de vrais ancêtres. Il eût ajouté que les plébéiens, en se donnant un culte, avaient fait ce qu'ils n'avaient pas le droit de faire; que pour s'en donner un ils avaient violé tous les principes, qu'ils n'avaient pris que les dehors du culte et en avaient retranché le principe essentiel, qui était l'hérédité, qu'enfin leur simulacre de reli- gion était absolument l'opposé de la religion. .

De» que le patricien s'obstinait h penser que la religion hér*^-

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