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CHAP. VII. PROGRÈS DE LA PLËBE. 353

C'étaient deux peuples qui ne se comprenaient même pas, fl'ayant pas pour ainsi dire d'idées communes. Si le patri'cien parlait au nom de la religion -et des lois, le plébéien répon- dait qu'il ne connaissait pas cette religion héréditaire ni les iois qui en découlaient. Si le patricien alléguait la sainte cou- tume, le plébéien répondait au nom du droit de la nature. Ils se renvoyaient l'un à l'autre le reproche d'injustice; chacun d'eux était juste d'après ses propres principes, injuste d'après les principes et les croyances de l'autre. L'assemblée des curies et la réunion' des patres semblaient au plébéien des privilèges odieux. Dans l'assemblée des tribus le patricien voyait un con- . ciliabule réprouvé de la religion. Le consulat était pour le plé- béien une autorité arbitraire et tyrannique; le tribunat était aux yeux du patricien quelque chose d'impie, d'anormal, de contraire à tous les principes; il ne pouvait comprendre cette sorte de chef qui n'était^ pas un prêtre et qui était élu sans auspices. Le tribunaÇ dérangeait l'ordre sacré de la cité; il était ce qu'est une hérésie dans une religion ; le culte public en était flétri. « Les dieux nous seront contraires, disait un patricien, tant que nous aurons chez nous cet ulcère qui nous ronge et qui étend la corruption k tout le corps social. » L'his- toire de Rome, pendant un siècle, fut remplie de pareils ma- lentendus enire ces deux peuples qui he semblaient pas parler la même langue. Le patriciat persistait à retenir la plèbe en dehors du corps politique ; la plèbe se donnait des institutions propres. La dualité de U population romaine devenait de jour en jour plus manifeste.

Il y avait pourtant quelque chose qui formait un lien entre ces deux peuples, c'était la guerre. Le patriciat n'avait eu garde de se priver de soldats. Il avait laissé aux plébéiens le titre de citoyens, ne fût-ce que pour pouvoir les incorporer dans les légions. On avait d'ailleurs veillé à ce que l'inviola- bilité des tribuns ne s'étendît pas hors de Rome, et pour cela

(|Be nous parlons des premiers temps. Le» patriciens étaient inscrits dans les tri- bns, mais ils ne figuraient sans doute pas dans des assemblées qui se réunissaie«l Sans auspices et sans cérémonie rel)j(ieu3e» et auiijuelles ils ne reconrBrenl lo^- t(:a|>8 aucune valeur lég'ale.

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