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CHAP. YII. PROGRÈS DE LA PLEBE. 355

ladivision que Servius avait établie. Et même la partie pauvre, qui n'était pas comprise dans les classes, ne faisait entendre au- cune réclamation; elle laissait aux plus aisés leur privilège, et n'exigeait pas qu'on choisît aussi chez elle des tribuns.

Quant aux patriciens, ils s'effrayaient peu de cette impor- tance que prenait la richesse. Car ils étaient riches aussi. Plus sages ou plus heureux que les eupatrides d'Athènes, qui tombèrent dans le n'an* ie jour où la direction de la société appartint à la riche .i^ tSS patriciens ne négligèrent jamais ni l'agriculture, n/ â2 commerce, ni même l'industrie. Aug- menter leur fortune rât toujours leur ^'rande préoccupation. Le travail, la frugalité, la bonne spéculation furent toujours leurs vertus. D'ailleurs chaque victoire sur l'ennemi, chaque conquête agrandissait leurs possessions. Aussi né voyaient-il» pas un très-grand mal à ce que la puissance s'attachât à la richesse.

Les habitudes et le caractère dos patriciens étaient tels qu'ils ne pouvaient pas avoir de mépris pour un riche, fût-il de la plèbe. Le riche plébéien approchait d'eux, vivait avec eux maintes relations d'intérêt ou d'amitié s'établissaient. Ce perpétuel contact ameftait un échange d'idées. Le plébéien faisait peu à peu comprendre au patricien les vœux et les droits de la plèbe. Le patricien finissait par se laisser con- vaincre ; il arrivait insensiblement à avoir une opinion moins ferme et moins hautaine de sa supériorité -, il. n'était plus aussi Sûr de son droit. Or, quand une aristocratie en vient à douter que son empire soit légitime, ou elle n'a plus le courage de le défendre ou elle le défend mal. Dès que les prérogatives du patricien n'étaient plus un article de foi pour lui-même^ 6n peut dire que le patriciat était à moitié vaincu.

La classe riche paraît avoir exercé une action d'un autre genre sur la plèbe, dont elle était issue et dont elle ne se séparait pas encore. Comme elle avait intérêt à la grandeu. de Rome, elle souhaitait l'union des deux ordres. Elle était d'ailleurs ambitieuse; elle calculait que la séparation absolue des deux ordres bornait à jamais sa carrière, en l'enchaînant pour toujours à la classe inférieure, tandis que leur union Ut.

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