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356 LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

ouvrait une voie dont on ne pouvait pas voirie terme. Elle ^'efforça donc d'imprimer aux idées et aux vœux de la plèbe une autre direction. Au lieu de persister à former un ordre séparé, au lieu de se donner péniblement des lois particulières, que l'autre ordre ne reconnaîtrait jamais, au lieu de travailler lentement par ses plébiscites à faire des espèces de lois à son usage et à élaborer un code qui n'aurait jamais de valeur officielle, elle lui inspira l'ambition de pénétrer dans la cité patricienne et d'entrer en partage des lois, des institutions, des dignités du patricien. Les désirs de la plèbe tendirent alors à l'union des deux ordres, sous la condition de l'égalité.

La plèbe, une fois entrée dans cette voie, commença par réclamer un code. Il y avait des lois à Rome, comme dans toutes les villes, lois invariables et saintes, qui étaient écrites et dont le texte était gardé par les prêtres'. Mais ces lois qui faisaient partie de la religion, ne s'appliquaient qu'aux mem- bres de la cité religieuse. Le plébéien n'avait pas le droit de les connaître, et l'on peut croire qu'il n'avait pas non plus le droit de les invoquer. Ces lois existaient pour les curies, pour les gentes, pour les patriciens et leurs clients, mais non pour d'autres. Elle ne reconnaissaient pas le droit de propriété k celui qui n'avait pas de sacra; elles n'accordaient pas l'action en justice à celui qui n'avait pas de patron. C'est ce caractère exclusivement religieux de la loi que la plèbe voulut faire disparaître. Elle demanda, non pas seulement que les lois fussent mises en écrit et rendues publiques, mais qu'il y eût des lois qui fussent également applicables aux patriciens et à elle.

11 paraît que les tribuns voulurent d'abord que ces loi» lussent rédigées par des plébéiens. Les patriciens répondirent qu'apparemment les tribuns ignoraient ce que c'était qu'une loi, car autrement ils n'auraient pas exprimé une telle pensée.

��1. Qu'il y eût one législation écrite bien avant les décemvirs, c'est ce qa! est at- testé par des textes nombreux ; Denys, X, I, III, 36; Gicéron, de rep., Il, 14; Pumponius, an Digeste, 1, 2. Plusieurs de ces vieilles lois sont citées par Pline, XiV, 13; XXXII, 3;par S«rvia8, ad Ecloga*,lV, la-, ad Georg-lU. 387; par FMtat, passim.

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